"J'observe le monde du livre. C'est avant tout une affaire de rencontres. Ce n'est pas la sorcellerie. Je le dis à dessein. Certains auteurs pensent que leur œuvre littéraire est si exceptionnelle qu'elle trouvera toute seule son public. Dans cet échange avec Selma Guettaf, écrivaine et Fabienne Retailleau, artiste comédienne, la rencontre avec le texte s'est faite. Une collaboration s'est nouée. J'aime le récit de cette rencontre qui a conduit à une mise en scène de la lecture de ce roman très intéressant. Aux jeunes écrivains, aux lecteurs en quête de bons moments littéraires, écoutez ce partage."
Réassi Ouabonzi
RENCONTRE CONTEMPORAINE AVEC L’ÉCRIVAINE SELMA GUETTAF
PLONGEON extrait de Plongeon et autres sauts de Selma Guettaf (Editions Most)
Adaptation, mise-en-scène et comédienne : Fabienne Retailleau.
Musicienne : Sapho Wanty .
Création lumière : Duff
Durée : 1 heure
Fabienne Retailleau
LA RENCONTRE AVEC SELMA GUETTAF
J’ai rencontré Selma Guettaf en janvier 2022 lors de ma performance Je parle pas - Je lis aux Nuits de la Lecture. Puis j’ai eu le plaisir de lire en public des fragments de son roman Les Hommes et Toi à plusieurs reprises. En janvier 2023, elle a accepté d'être l’écrivaine, invitée d’honneur, du concours Lecture à voix haute organisé par la Cie Théâtre du Cyprès. Pour clore cet évènement public, ayant pour thème "la peur", elle m’a suggéré de lire un fragment de Plongeon et autres sauts qui n’était pas encore édité. Un court roman, dont le thème du suicide est symbolisé par un plongeon.
Cette lecture m’avait mis en bouche le désir de faire entendre ce dernier livre, plus longuement, dans un contexte de « performance rencontre » avec une musicienne. Je me suis lancée dans une adaptation libre d’une heure. Nous avons présenté cette lecture spectacle au Printemps des Poètes et Poétesses au théâtre Darius Milhaud en mars 2023 avec la compositrice-flutiste Ida Heidel. Cette fois-ci, Sapho Wanty m’accompagne à la contrebasse.
Ce duo a été créé pour Le PRINTEMPS DES POÈTES ET POÉTESSES 2023 au théâtre Darius Milhaud 75019 Paris.
Quelques mots sur l'adaptation, Plongeon
Un jeune auteur vient de mourir mais il sera réellement mort quand son corps sera enseveli. Avant ce moment final, il veut encore s'exprimer ! Il nous parle, lui le mort pas tout a fait mort, des trois figures importantes dans sa vie ; son éditrice, sa sœur et son grand-père.
Il n’y a pas de sanglots, c’est un jeune mort plus vivant que les vivants, à l’humour « grinçant ».
C'est une œuvre sur la transmission, le désir d'écrire, d'être poète. C'est aussi la difficulté, l'impossibilité de porter ce que l'on nous transmet.
Selma Guettaf
Originaire du sud algérien et établie à Paris depuis quelques années, Selma Guettaf touche à différentes créations, tout en plaçant le roman au centre de ses occupations.
D’abord à Oran, Selma suit des études de lettres et travaille pour plusieurs journaux comme l’Écho d’Oran et le journal national El Watan. Elle finit par quitter le milieu journalistique qui manquait selon elle d’imagination, souhaitant donner à son parcours une nouvelle impulsion. A l’âge de 23 ans, elle décide de s’installer à Paris, poursuivant son parcours universitaire. Il lui semble qu’on ne peut approcher la littérature autrement.
J’aime le malheur que tu me causes ou Jeunesse ratée (éditions Lazhari Labter, 2013) est le premier récit de Selma Guettaf retenu dans la sélection du prix Mohammed Dib. Elle publie ensuite Les Hommes et toi aux éditions Apic en 2016, préfacé par Catherine Belkhodja et qui figure dans la liste des onze finalistes du Prix Senghor 2017 du premier roman francophone et francophile. Ce roman fût notamment salué par Dominique Loubao, présidente de La Plume Noire et du Prix Senghor. En parallèle, elle devient documentaliste lors du développement de la série historique Spleen, produite par France Télévisions et les Films du Tambour de Soie, réalisée par Florian Beaume. Cette expérience lui inspire un roman.
Plongeon et autres sauts est son dernier ouvrage publié (2023).
INTERVIEW 1er octobre 2023
" En février 2024, Fabienne Retailleau a présenté pour la deuxième fois, son adaptation, avec une nouvelle mise en scène de mon ouvrage “Plongeon et autres sauts”. La représentation a eu lieu au théâtre Darius Milhaud. Sa lecture m’a beaucoup touchée. Des mois après cet événement, je reste profondément bouleversée. Une adaptation qui me happe encore... Il faut dire que cette deuxième adaptation a eu lieu à un moment chamboulant de ma vie : j’étais en pleine séparation. Vivre le deuil de la rupture tout en écoutant le narrateur mort de mon texte a été un véritable vertige pour moi. J’étais un peu le fantôme de moi-même ; paradoxalement, par sa puissance, cette adaptation m’a comme ramenée à la vie.
Je garde en mémoire le corps Fabienne Retailleau qui se déplace hâtivement, saute, se ratatine et blotti pour ensuite repartir dans un autre coin de la scène.... Son corps dit le texte avant même que sa bouche ne l'interprète. Fabienne Retailleau traverse votre tête et vous parachute dans l’imaginaire des mots.
Je me souviens de mes visites à Fabienne Retailleau lors des répétitions, où je la découvrais déjà transformée. Ses cheveux roux ébouriffés, la certitude de sa voix, son amplitude... Fabienne Retailleau vit les textes. Elle en est une extension de ce que j’écris. Et elle plante sur vous ce regard, vous savez, ce regard... quand l’être s’affranchit du narratif.
Elle est pour moi comme une délinquante dans sa manière de s’approprier les textes. D'abord, il y a cette facilité avec laquelle elle se donne le droit de les adapter. Elle contacte la maison d’édition et explique brièvement son projet, sûre d’elle et je dois dire, pour avoir lu ses mails, qu’elle ne mâche pas ses mots. Fabienne, pour parler de littérature, adopte un ton direct. Elle sort ainsi les textes de cette boîte carcan éditoriale qui veut qu’ils circulent surtout dans les salons, les festivals... et permet ainsi à un texte contemporain d’atteindre un public de théâtre. D’ailleurs, Fabienne Retailleau adapte vite, c’est certain. J’exagère à peine en disant qu’en deux, trois semaines l’adaptation est prête. Fabienne est prête à se battre sur scène. Et elle n’est pas délicate avec les mots. Elle expose immédiatement l’intérieur du roman.
J’ai découvert pour la première fois son travail lors de la performance “Je ne parle pas, je lis”, interprétée dans la librairie La Lucarne des écrivains d’Armel Louis, où elle s’installe sur une chaise et nous fait la lecture d’un livre que l’on a choisi. Il y a également son lien avec la photographie. D’ailleurs, elle a toujours son appareil photo avec elle et documente toutes ses performances. Une démarche si particulière. Elle se rend à des expositions, achète des beaux livres. J’imagine que cela nourrit sa réflexion autour des textes sur scène. Les concours qu’elle organise témoignent de sa sensibilité à l’image.
Parmi ses dernières performances : les duos de lecture. Des rencontres. Elle improvise avec un.e artiste qu’elle ne connaît pas, qu’elle vient à peine de rencontrer, de manière à ce que chaque date soit unique, une redécouverte. Je crois que c’est cela qui me touche le plus, sa manière de repousser les limites de la scène et de la littérature."
Selma Guettaf
Ce site a été conçu avec Jimdo. Inscrivez-vous gratuitement sur https://fr.jimdo.com